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vendredi 15 février 2013

Apocalypsis - Psaume 1

L'Alpha de l'Omega


« Je connais tes œuvres : tu n'es ni froid, ni chaud. Plût à Dieu que tu fusses froid ou chaud ! Aussi, parce que tu es simplement tiède, je vais te vomir de ma bouche. »
[Apocalypse 3:15]

Cassandre reçut un don divin, celui de voir l'avenir des hommes. Mais elle refusa les avances d'Apollon et fut maudite pour cela. Personne ne la croira, pour notre plus grand malheur...

Nous sommes tous des auditeurs de Cassandre. Nous savions, nous pouvions savoir. Mais nous n'avons pas crut. Aujourd'hui, il ne reste plus rien. Nous avons tout détruit. Où notre folie destructrice nous a-t-elle conduit ?



Après la Première Guerre Mondiale, nous pensions que le sommet de l'horreur avait été atteint. Des millions de morts et d'infirmes. "Plus jamais ça" on entendait. Nous avions tort.

Après la Seconde Guerre Mondiale, nous pensions avoir atteint l'indépassable dans l'ignominie et dans la honte. Des dizaines de millions de morts, de veuves, d'orphelins, de blessés, de crimes contre l'humanité. "Plus jamais ça" on entendait. Nous avions tort.

Elle a eu lieu. La troisième et la dernière. La déchéance des hommes. La mort de notre planète. Kennedy avait pu dire pendant la guerre froide : "Je suis un Berlinois". Berlin existait encore. A présent, pour nous revendiquer du néant nous pourrions dire : "je suis un enfant d'Hiroshima".

Nous aurions pu éviter tout ça pourtant.

Je me souviens, c'était un lundi 11 février. Cela remonte un peu. C'était en 2013. J'aurai du comprendre. Pour la première fois depuis six siècles, un Pape démissionnait. Je me souviens de la réaction de mon entourage. La surprise de la nouvelle avait vite fait place à l'indifférence. Il faut dire qu'on ne croyait déjà plus à grand chose à cette époque, même plus en nous-même.

C'était au cours d'un déjeuner, en France quand ce pays s'appelait encore ainsi, il y avait une télévision d'allumée. Le journal de 13h. Édition spéciale. Quel sujet pouvait faire l'objet d'une telle attention ? L'élection du Président des États-Unis ? Pas cette fois. Il s'agissait de la démission du Pape.

Pour moi, ce fut une surprise sans vraiment en être une. Je m'en doutais déjà. Il l'avait déjà évoqué à demi-mot trois années auparavant. Je pensais pourtant qu'il allait rendre son ministère comme les autres. D'une mort imminente, car il était vieux ce Benoit XVI, par la grâce de Dieu. Mais non finalement. Voilà que le Chef Spirituel de la Chrétienté abandonnait le Saint Siège. Un comportement typique de cette époque. Si même le successeur de Saint Pierre se donnait le droit de prendre sa retraite, le commun des mortels pouvait abandonner au premier des combats.

Ça discutait bon train autour de moi. On se moquait, on ironisait : "Espérons que cela serve d'exemple pour nos dirigeants politiques et nos chefs d'entreprise" pouvais-je entendre. Certains ou plutôt certaines étaient quand même effondrées. Elles devaient être profondément catholiques je me disais. Les voyant tripoter leur petite croix attachée autour du cou, j'avais presque envie de détourner le regard. Il faut dire que ce n'était ni très laïque, ni très hygiénique.

Pendant que nous mangions la cuisine industrielle servie à la cantine de l'entreprise, nous spéculions beaucoup sur le successeur même si nous ne connaissions pratiquement aucun des possibles prétendants. Mais nous répétions bêtement ce que nous venions de voir à la télévision en apportant notre petite touche personnelle.
- Il sera noir. Il faut à présent un Pape noir, c'est important pour la modernité ! s'exclamait une amie.
- Avec tous les scandales qu'il y a eu, un retour aux fondamentaux semble incontournable. Le prochain Pape serait certainement Italien affirma doctement un autre ami.

Chacun y allait de son avis. Je m'en foutais un peu à vrai dire. J'étais dans mes pensées. Un de mes oncles qui avait rejoint les Ordres il y a fort longtemps était revenu d'un séminaire à Rome une semaine auparavant. Au téléphone, il m'avait prévenu d'une phrase sibylline qui prenait désormais tout son sens.

- Relis l'Apocalypse de Saint Jean... Tout y est écrit...

Évidemment, quand mon oncle m'avait dit ça, avant l'annonce de la démission du Pape, je n'avais pas suivi ses conseils. Je reconnais que c'est un peu de sa faute. Il aurait pu quand même me dire les choses plus clairement. Je n'ai jamais compris cette manie qu'ont les religieux de s'exprimer de façon si cryptique.

Le soir, en rentrant chez moi, épuisé par une dure journée de travail, je m'affalais sur le canapé. Je repensais à la démission du Pape et à la phrase mystérieuse que mon oncle avait prononcé quelques jours auparavant.

J'étais au courant de rapprochements qu'avaient fait certains exégètes de ce texte avec des évènements comme la Seconde Guerre Mondiale, mais cela ne m'avait jamais convaincu. Et pourquoi cela m'aurait convaincu moi qui ne croyait pas en Dieu ? En plus, le texte de l'Apocalypse était réputé si obscur que nombre de spécialistes avaient abandonné toute tentative d'explication. A tel point que le texte de Jean fut exclu des textes canoniques lors du Concile de Laodicée dès le IVème siècle de notre ère. Si des théologiens spécialistes des textes sacrés s'y étaient cassés les dents, pourquoi arriverais-je à en tirer quoi que ce soit ? C'était tout simplement absurde. Mais une certaine curiosité, cette coïncidence d'évènements entre la phrase laconique de mon oncle et la démission soudaine du Pape me forçait à m'approcher de ma bibliothèque, et à ouvrir un recueil contenant le fameux texte de l'Apocalypse de Jean.

Mes mains tournaient lentement les premières pages. Je lisais avec attention chaque ligne. Au début je devais relire une fois voire deux pour comprendre un minimum le sens. Puis, progressivement, au fur et à mesure que mon cerveau s'habituait à la syntaxe et au style particulier du texte, des phrases se mirent à me sauter aux yeux. Notamment celle-ci : "je vais te vomir de ma bouche". Ce passage parlait-il de Benoit XVI par hasard ? Comment un texte de pratiquement vieux de deux millénaires pouvait-il parler d'évènement aussi lointains ?

« je vais te vomir de ma bouche »

C'est quand même violent comme phrase je m'étais dis. Cela voudrait-il dire que Benoit XVI avait subi des pressions de l'intérieur même du Vatican pour quitter son poste ? C'est alors que je me suis rappelé  de l'année agitée qui avait précédé à la démission de Benoit XVI. Deux grosses affaires avaient défrayé la chronique. L'une concernait des transactions occultes de la part de la Banque du Vatican, et l'autre concernait des fuites de documents diplomatiques et top secret, médiatisée sous le nom de Vatileaks. Dans les deux affaires, il avait été reproché à Benoit XVI d'avoir manqué de fermeté, d'avoir été un peu tiède. Les évènements coïncidaient avec le texte. Mon oncle avait-il raison quand il disait que "Tout y est écrit" ? Je n'osais pas y croire. J'aurais peut-être du...

(à suivre...)

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