Diaporama

lundi 1 avril 2013

Qu'est-ce qu'une nation ?


Lors d'une conférence intitulée Qu'est-ce qu'une nation faite à la Sorbonne, le 11 mars 1882, Ernest Renan, écrivain et philosophe français, tenta d'expliquer ce qui distingue le concept de Nation des autres formes de société humaine.

Selon lui, ce n'est ni l'appartenance à une même ethnie (il emploie le terme de race qui à l'époque n'avait pas la même connotation qu'aujourd'hui), ni l'utilisation d'une même langue, ni d'une même religion, ni une communauté d'intérêts, ni des facteurs géographiques, qui peuvent suffire à expliquer ce qu'est une Nation et sa capacité à durer dans le temps.

Ernest Renan ne nie pas leur rôle facilitateur, mais il cite, pour chacun de ces aspects, des contres-exemples montrant qu'ils ne sont pas déterminant pour expliquer et donner corps à eux-seuls à une Nation.

Les éléments indispensables dans la constitution d'une Nation sont autres. Le premier est qu'une Nation est le fruit d'une longue histoire commune, "un riche legs de souvenirs", "un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements". Une Nation invariablement se construit autour d'un passé parfois glorieux mais toujours accompagné de souffrances. Le rôle de l'Histoire est donc fondamental.

Quand l'auteur invoque l'Histoire, il s'agit en fait d'une certaine histoire, ce que nous pourrions désigner par le roman national. C'est ce dont il s'agit quand l'auteur affirme que "l'oubli et [...] l'erreur historique sont un facteur essentiel de la création d'une nation". Il explique que "le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger".

Il s'agit là d'un sujet sensible. Celui du révisionnisme et du négationnisme. L'auteur cautionnerait-il aujourd'hui les lois mémorielles ? Si d'un point de vue de l'historien ces lois ne sont pas défendables puisqu'interdisant la démarche scientifique de vérité sur le passé, Ernest Renan sous-entend que d'un point de vue politique, de telles lois puissent se justifier au nom de la cohésion de la Nation. N'ayant pas retrouvé de traces d'autres écrits de Renan sur le sujet du révisionnisme, il est cependant difficile de tirer des conclusions définitives sur la signification qu'a voulu donner l'auteur à ce passage. L'important dans ce discours étant qu'il souligne sous un autre angle le rôle de l'Histoire et l'expérience commune des hommes dans la formation d'une Nation.

Le second élément indispensable à la constitution d'une Nation c'est un "désir de vivre ensemble" et de continuer à faire de "grandes choses ensemble". Une Nation repose donc sur la volonté, la volonté qu'ont les hommes à se transcender. "Une nation est une âme, un principe spirituel".

Une Nation c'est donc d'une part un passé, l'Histoire, et d'autre part un avenir recherché par un projet collectif.

Le présent d'une Nation est son peuple. C'est "une grande solidarité". A ce titre, Renan souligne la prépondérance des aspirations du peuple dans une Nation authentique quand il dit ceci :
Si des doutes s'élèvent sur ses frontières [de la nation], consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d'avoir un avis dans la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui, du haut de leurs principes supérieurs, prennent en pitié notre terre à terre. "Consulter les populations, fi donc ! quelle naïveté ! Voilà bien ces chétives idées françaises qui prétendent remplacer la diplomatie et la guerre par des moyens d'une simplicité enfantine"
Il est dommage à l'heure actuelle que nos politiciens européistes ne l'aient pas davantage lu quand ils se sont assis outrageusement sur le résultat du Référendum de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen, qui avait vu la victoire du Non en France et aux Pays-Bas.

Ce dénigrement du peuple et la montée de la techno-structure européenne, Ernest Renan semblait l'avoir prévu quand il évoque sur un ton fataliste que "la confédération européenne, probablement, remplacera [les nations]". C'est remarquable qu'il ait imaginé avec un siècle d'avance le diktat des technocrates de Bruxelles.

Ce texte court, d'une trentaine de pages, a donc plusieurs mérites.

Il rappelle tout d'abord que la Nation fut un concept inventé par la France. Il est même possible d'affirmer que la France est le seul pays au monde a avoir inventé deux fois la Nation. Une première fois en une royauté chrétienne de Clovis, puis une seconde fois en une république laïque lors de la Révolution Française.

Aussi, pour ceux qui le lisent aujourd'hui, ce texte réhabilite le concept de Nation. Le nationalisme tant décrié au XXème siècle, ce n'est pas "la guerre" [1] ou "la haine des autres" [2]. La novlangue mondialiste dans une inversion des mots dont elle a l'habitude a réussi à associer le nationalisme, qui est la mise en valeur du concept de Nation, avec la xénophobie. C'est un non-sens complet puisque, à la différence du communautarisme de séparation, selon Renan, le nationalisme c'est l'acceptation de l'Autre. Il permet à des individus d'origines diverses et variées de participer à un projet commun, en oubliant les différents et différences historiques.

En pleine crise des identités et de la Nation, ce texte remet en cause la bien-pensance qui continue à être assénée par les médias dominants. Néanmoins, un travail complémentaire de réflexion sur les aspects positifs et négatifs du révisionnisme pourrait être mené. La réponse peut ne pas être aussi binaire qu'elle en a l'air. Même si la Vérité historique est un objectif impératif pour un historien sérieux, qu'elle est la part d'oubli et de falsification de l'Histoire nécessaires pour la cohésion d'un peuple et d'une Nation ? Aussi, puisque la religion semble ne pas être un facteur indispensable à une Nation, faut-il, comme certains milieux dissidents, être anti-laïque (dans le sens de la loi de 1905) et pro-confessionnel ? Ce sont des questions auxquelles le lecteur pourra réfléchir. Des réponses que nous pourrions en tirer, pourrait naître, dans un futur plus ou moins proche, débarrassée de la novlangue et de la bien-pensance, une France nouvelle, réinventant pour une troisième fois ce concept moderne de Nation, et de ce fait, redéfinisse les nouveaux contours de son identité.

Qu'est-ce qu'une nation ? de Ernest Renan

Sur InternetWikisource
En livre


[1] "Le nationalisme, c'est la guerre." - François Mitterrand - 1916–1996

[2]  "Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres." - Romain Gary - 1914-1980

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire